L’intersection passionnante entre le domaine du sport et du tourisme ouvre des portes à des occasions uniques de promotion pour les pays. De plus en plus de nations exploitent les opportunités de visibilité offertes par le « sport-roi » pour se promouvoir, adoptant presque une approche commerciale. Dans cette série en trois parties, dont cet article constitue la dernière section, nous examinerons les enjeux du « Nation Branding » à travers le prisme du football, analyserons un exemple concret, et offrirons des conseils aux personnes intéressées par cette démarche.
Les retombées stratégiques des sponsorisations d’équipes de football pour les pays

L’univers du football est devenu bien plus qu’un simple sport. Il est aujourd’hui un terrain de jeu géopolitique où les pays rivalisent pour attirer l’attention du monde entier. De nombreux pays ont choisi de sponsoriser des équipes de football pour accroître leur visibilité et promouvoir leur image à l’échelle internationale. Ces choix stratégiques ne se limitent pas uniquement au domaine sportif. Ils ont des retombées significatives sur l’économie, la diplomatie et la culture des pays impliqués. Après avoir exploré le pourquoi et le comment se lancer dans une stratégie de sponsoring d’une équipe de football par un État, ce troisième et dernier article explore les diverses retombées que cette stratégie pourrait provoquer.

  1. Visibilité internationale accrue

Sponsoriser une équipe de football de renom permet à un pays d’accéder à un public mondial. Les matches de football attirent des millions de téléspectateurs à travers le monde, offrant une vitrine exceptionnelle pour la culture, le tourisme, et les produits du pays sponsor. L’exposition médiatique résultant de ces partenariats contribue à une plus grande notoriété internationale, ce qui peut être bénéfique pour l’ensemble de l’économie nationale.

L’on se souvient fraîchement du Qatar, hôte de la dernière Coupe du Monde de la FIFA en 2022 et également sponsor du Paris Saint-Germain (PSG). Grâce à ces partenariats, le Qatar a considérablement accru sa visibilité internationale et même amélioré plusieurs points de vue que l’occident en général avait à son propos. La Coupe du Monde a attiré des milliards de téléspectateurs dans le monde, ce qui a offert au pays une opportunité de montrer sa culture, son histoire et ses innovations. En outre, en accompagnant le projet du PSG (attirer les plus grandes stars mondiales du football), le Qatar a pu renforcer son image d’un pays disposant d’une impressionnante force financière.

  1. Promotion du tourisme

Cela peut sembler ne plus être nécessaire à démontrer. Lorsque des pays sponsorisent des équipes de football, cela peut stimuler le tourisme. Les supporters de ces équipes sont susceptibles de visiter le pays sponsor pour assister à des matches, découvrir sa culture et ses attractions touristiques. Cela se traduit par des retombées économiques significatives, notamment des recettes dans le secteur de l’hôtellerie, de la restauration et des loisirs.

Nous le précisions dans le précédent article, en début d’année 2023, le Conseil Rwandais du Tourisme annonçait fièrement la bonne santé du secteur avec des recettes au-delà des 50% juste pour le premier trimestre.

De janvier à juillet 2023, le Rwanda a engrangé environ 247 millions de dollars de recettes liées au tourisme, soit une hausse de 56% par rapport au dernier semestre de l’année écoulée ; et Visit Rwanda est présenté comme le principal catalyseur de ces résultats.

3. Diplomatie sportive

« Le sport est une des ressources en matière de diplomatie publique à des fins de réputation et d’image à l’étranger qui permet de considérer certains États comme des acteurs puissants sur la scène internationale », Frédéric Ramel

Une réputation se construit aussi via le sponsoring, le merchandising et le naming. Cette stratégie, l’Azerbaïdjan la connaît bien. Pendant plusieurs années, ce pays du Caucase a floqué les maillots du club de football de l’Atlético de Madrid du nom de son pays et avec ce slogan : « Azerbaïdjan land of fire ». Puis quelques années plus tard, le Pays a tout simplement racheté le Racing Club de Lens.

L’objectif clairement énoncé de ce pays – souvent montré du doigt en matière de respect des droits de l’homme – était de se faire connaître, d’attirer plus de touristes et de s’afficher comme un État parfaitement respectable.

Avec ce sponsoring, l’Azerbaïdjan souhaitait montrer à tous que le pays est entré de plain-pied dans le XXIe siècle et que le qualificatif d’ancienne république soviétique n’est plus du tout d’actualité.

Et ce pays ne s’est d’ailleurs pas seulement limité à ces initiatives. Il a démultiplié sa présence aux côtés du football européen (sponsoring de l’Euro 2016 via sa compagnie nationale du pétrole et du gaz, SOCAR) ; a organisé les premiers Jeux Européens en juin 2015 ; accueille chaque année depuis 2015 un Grand Prix de Formule 1 ; et a même tenté d’accueillir les Jeux olympiques d’été de 2020.

  1. Création (renforcement) d’un soft power national

Qu’ils soient propriétaires comme les Saoudiens à Manchester ou les Qataris au Paris-St-Germain, ou simples sponsors («Azerbaïdjan – Land Of Fire » sur le maillot de l’Atletico Madrid ou « Visit Rwanda » à Arsenal pour ne parler que de football)… certains états ont très rapidement compris que le sport était l’un des vecteurs d’exposition le plus fort et certainement le plus important actuellement.

Dans cette catégorie, le Qatar est incontestablement le champion du Monde. Outre l’obtention (contestable et controversée, tout comme celle de 2018 en Russie) de la Coupe du Monde de Football en 2022, l’évènement le plus regardé dans le monde, le Qatar a également un circuit de Formule 1 qui a « poussé » en quelques mois en plein désert, obtenu organisation des championnats du monde de cyclisme sur route en 2016, de Handball en 2015, des mondiaux de natation en 2023 ou d’athlétisme en 2019. Ils investissent également massivement dans des évènements ou structures sportives majeures en Europe pour obtenir le droit d’associer leurs noms à ces épreuves (ex : Le Qatar Prix de l’Arc-de-Triomphe en hippisme).

En quelques années le Qatar, tout petit pays du Moyen-Orient est passé d’inconnu d’une grande partie de la population mondiale à capitale internationale du sport. Réussissant même le tour de force de faire céder la FIFA en obtenant le décalage de la Coupe du Monde (traditionnellement en juin-juillet) au mois de janvier, condition sine qua none pour que les conditions climatiques soient favorables, tout en détournant les regards des nombreux problèmes liés à l’organisation de la compétition (traitement des ouvriers, libertés des supporters etc.).

Le Qatar (à l’instar de la Russie avec les JO de Sotchi ou la Coupe du Monde 2018) affirme son influence sur la scène internationale par l’organisation et les investissements dans le monde du Sport en devenant, le temps d’une compétition, le centre du monde. Rajoutez à ça la création il y a quelques années de BeIn Sports, chaîne très largement déficitaire, filiale de Al-Jazeera et propriétaire des droits TV pour de nombreuses compétitions tous sports confondus (NBA, championnats de football européens etc…) et vous obtenez un éventail complet de leviers à activer.

Même si ça peut ne pas paraître évident, le sport représente bien plus que ce que le spectateur lambda peut en apercevoir du haut de ses gradins ou devant la TV. Depuis l’antiquité, il permet de se tailler une place de choix dans le concert des nations.

  1. Développement de l’industrie du sport

Le soutien financier des gouvernements aux équipes de football peut favoriser le développement de l’industrie du sport dans le pays. Cela inclut la construction d’infrastructures sportives, la formation de jeunes talents, la création d’emplois dans le domaine du sport, et la promotion d’événements sportifs nationaux et internationaux.

Les exemples abondent sur sujet. Par exemple, en 2020, la PSG Academy Rwanda a ouvert ses portes, proposant des entrainements 100% PSG à plus de 100 enfants dont une partie d’enfants bénéficiaires de la Fondation.

Les Émirats Arabes Unis, à travers la compagnie aérienne Emirates ont contribué au développement du stade Santiago Bernabéu, l’un des stades les plus emblématiques du monde. Le projet de rénovation du stade a été estimé à environ 500 millions d’euros, et le partenariat avec Emirates a permis de financer une partie de cette rénovation, notamment la modernisation des installations et l’amélioration de l’expérience des supporters.

La même opération s’est passée entre le Qatar et Manchester City en Angleterre, via Etihad Airways. L’accord de sponsoring, signé en 2011, a abouti à la transformation de l’ancien City of Manchester Stadium en l’Etihad Stadium. L’accord a contribué au financement de la rénovation du stade, devenu un centre sportif ultramoderne avec une capacité accrue et des installations de classe mondiale. Cette modernisation a également eu un impact positif sur le quartier environnant.

  1. Potentiel commercial

La popularité d’une équipe de football peut être exploitée commercialement. Les maillots, les produits dérivés, les droits de diffusion et les contrats de parrainage attirent des investissements importants. Cela peut générer des revenus substantiels pour le pays sponsor et les entreprises locales.

Le maillot du FC Barcelona sponsorisé par Qatar Airways a généré des revenus annuels d’environ 35 millions de dollars pour le club, tout en renforçant la notoriété de la compagnie aérienne. De plus, la vente de produits dérivés, tels que des maillots, des écharpes et des jouets, génère des milliards de dollars de revenus pour les clubs de football, et cela peut stimuler l’industrie manufacturière locale et la vente au détail.

  1. Une porte d’entrée vers de nouveaux marchés

En négociant avec le PSG et Arsenal, le Rwanda se donne le droit d’accéder au marché des Émirats Arabes Unis et de la Chine. « Cela leur permet d’avoir une ouverture sur la Chine car le PSG est présent en Chine. L’impact économique ne peut pas encore être mesuré à cause du contexte sanitaire mais il faudrait voir dans les années à venir », précisait Luc Arrondel, économiste du sport en 2019.

Les échanges avec le Qatar se sont également intensifiés. L’hôte de la Coupe du Monde 2022 donne des visas d’un mois pour les touristes Rwandais sans trop de difficultés et le futur aéroport proche de Kigali est financé en partie par Qatar Airways. La compagnie va d’ailleurs en récupérer 60% des parts.

En nouant de telles relations, le Rwanda peut exporter massivement son or local : le thé et le café. Une « stratégie simple » pour Luc Arrondel, « vu que le PSG et Arsenal sont des clubs connus à l’international, le Rwanda a intérêt de viser ce genre de marchés. Ils utilisent le football comme nation branding à l’image du Qatar ou de l’Arabie Saoudite. Ce contrat est quand même conséquent mais pour le PSG et Arsenal, il ne représente pas un gros poste budgétaire. Ainsi, ils peuvent développer autre chose que le tourisme”.

Tous ces exemples illustrent comment la sponsorisation d’équipes de football a des retombées concrètes et chiffrées sur les pays, allant de la promotion du tourisme à la création d’emplois et à l’augmentation des revenus commerciaux. Ils mettent également en évidence l’importance de gérer ces partenariats avec soin pour maximiser les avantages nationaux.

Au terme de ces trois articles, nous comprenons que la sponsorisation d’équipes de football par les pays n’est pas seulement une question de passion sportive. C’est une stratégie complexe qui peut avoir un impact considérable sur l’image nationale, l’économie, la diplomatie et la culture. Les retombées positives de ces choix stratégiques sont nombreuses et peuvent renforcer la position d’un pays sur la scène mondiale. Cependant, il convient de noter que ces avantages dépendent de la gestion efficace de ces partenariats et de la manière dont ils sont utilisés pour promouvoir l’intérêt national et la coopération internationale.