Journaliste, promotrice du site d’information spécialisé en Santé « Lurgentiste.com », Olive Atangana, qui cumule 11 années d’expérience dans le métier, est une passionnée et spécialisée depuis six ans des questions de santé publique et épidémiologie. Olive crée des contenus éditoriaux pour sensibiliser sur le paludisme pour le compte des médias. Elle est également ambassadrice de la lutte contre la malnutrition pour la Fondation Helen Keller International et membre de la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ). Nous avons pris un café express avec Olive à Yaoundé, pour parler de l’appel à mobilisation des médias camerounais, dans la lutte contre le paludisme dans son pays.

À travers votre site d’information sur la santé (l’urgentiste.com), vous faites partie du groupe de médias engagés et mobilisés dans la lutte contre le paludisme au Cameroun. En quoi consiste ce déploiement des professionnels de la presse ?

Notre site d’informations spécialisées en santé « Lurgentiste.com » s’est effectivement engagé, le 21 avril dernier, en faveur de la lutte contre le paludisme au Cameroun. Il faut relever que ce n’est pas la première fois, étant entendu que nous sommes déjà ambassadeurs de la lutte contre cette maladie pour le compte des médias. Ce déploiement des professionnels consiste principalement et en toute impartialité, en la publication des informations crédibles et avérées sur la maladie ; partager et relayer les informations liées aux avancées sur le paludisme comme le vaccin, les rapports, les campagnes de distributions des moustiquaires ; créer les espaces de sensibilisation des populations sur les questions précises sur le paludisme. Cela peut être la difficile mise en œuvre de la gratuité de paludisme chez les enfants de moins de 5 ans, la campagne nationale de plaidoyer en cours, la prise en charge des malades dans les hôpitaux, etc. Le but ici est d’aider à la prévention, à la sensibilisation pour un changement de comportement, au plaidoyer et d’amener les décideurs à prendre les décisions adéquates en matière de stratégies de lutte, et même de financements. Cet engagement ne nous dispense pas bien entendu de mener des enquêtes sur des questions diverses sur la maladie ; ni interroger même les stratégies de lutte au pays pour une meilleure orientation par exemple.

Ce déploiement des professionnels consiste principalement et en toute impartialité, en la publication des informations crédibles et avérées sur la maladie ; partager et relayer les informations liées aux avancées sur le paludisme comme le vaccin, les rapports, les campagnes de distributions des moustiquaires… 

Selon vous, comment les médias peuvent-ils contribuer à l’accélération de la lutte contre le paludisme au Cameroun ?

Les médias sont le 4e pouvoir. Ils sont une force, ont une influence certaine et avérée. Ils impactent le secteur et aident à améliorer les indicateurs de santé en amenant les décideurs dans le choix des décisions en ce qui concerne les questions de politique de santé publique. Dans ce cas précis, ils peuvent contribuer à l’accélération de la lutte sous plusieurs angles. D’abord en touchant les décideurs. Il est question de leur dire sans fioritures ce qui fait problème dans la lutte. Vous savez par exemple que le Cameroun peine à mobiliser les fonds de contrepartie si nous ne prenons que cet aspect. En leur montrant le bien-fondé d’être à jour et de contribuer, cela peut sauver des vies. Surtout que la 7e reconstitution des fonds a lieu en septembre 2022. Il est temps d’agir ensemble et de sauver ces multiples vies fauchées chaque année par cette maladie.

Le paludisme tue à titre d’exemple plus de 2 000 enfants de moins de 5 ans chaque année au pays, est la première cause de mortalité de manière générale avec environ 4 000 décès enregistrés chaque année. C’est trop. L’engagement de chacun doit donc aider à inverser la tendance et sauver les vies de nos mamans, nos sœurs, nos enfants.

Cela fait maintenant quelques années que lurgentiste.com publie régulièrement des informations sur la santé au Cameroun. Quel bilan faites-vous de cette aventure ?

Il serait un peu prématuré de parler de bilan en ce moment. Notre plateforme Lurgentiste.com a en effet entamé sa 3e année depuis janvier 2022. Nous avons certes fait du chemin depuis lors, c’est certain. Notre site, le seul au Cameroun en matière d’informations spécialisées sur la santé, faut-il le relever, est un peu la vitrine des questions de santé au pays. Modestement, il a aidé à l’amélioration de certaines décisions de santé publique à travers les informations/enquêtes que nous y traitons. Le gouvernement a par exemple revu sa copie en ce qui concerne la stratégie nationale de lutte contre la récente pandémie mondiale de lutte contre le Covid-19 après certaines de nos enquêtes sur la gestion de cette épidémie ; tout comme la problématique du déficit en couveuses au pays. Mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce chemin parcouru. Il est infime.

Beaucoup reste à faire et nous avons d’énormes challenges. Par exemple des partenariats avec des structures de santé et l’épineuse question des financements. C’est un énorme projet encore en construction en réalité et le très restreint comité éditorial mène des réflexions depuis plusieurs mois à ce propos. Vous aurez la primeur, bien sûr, des prochains changements qui y seront opérés.

Vous faites partie des médias spécialisés en santé, qui ont été très suivis durant la crise sanitaire (COVID-19). Parlez-nous des défis que vous avez relevés, en matière de traitement médiatique de cette pandémie dans votre pays ?

Nous avons suivi de très près cette actualité dans notre pays, c’est vrai. Nous avons, à Lurgentiste, ainsi modestement contribué à faire changer plusieurs choses dans la gestion de l’épidémie. Évidemment que ça ne nous a pas valu que des amis… Les pressions étaient telles qu’il fallait avoir un mental assez fort, être prudent et le plus professionnel possible. L’impartialité et l’indépendance sont des concepts qui ont du mal à être intégrées dans notre contexte. Il faut appartenir à un réseau ou être dans les bonnes grâces d’un tel. Parfois, on a plus l’impression d’avoir une presse aux ordres ; c’est assez difficile. Mais comme j’aime bien le dire, je milite pour un meilleur système de santé au Cameroun et cela passe par dire ce qui ne va pas. Le principal défi a été et reste l’accès à l’information. Nous en avons d’ailleurs parlé et reparlé sur notre site, nos différentes plateformes numériques.

L’accès à l’information en santé reste la croix et la bannière au Cameroun. Que ce soit sur les questions de santé de manière générale ou sur le Covid-19 en particulier. Il y a une sélection d’une poignée de médias acquis au pouvoir qui a été faite. Celle-là ne diffuse que l’information qui ne dérange pas et arrange les officiels. Les médias critiques ont été exclus de tout accès à l’information sur la santé au Cameroun. Tenez par exemple, à ce jour, personne ne peut vous dire où se situe l’épidémie ; ni même sur la vaccination en ce qui concerne cette maladie. Et ce n’est pas faute d’avoir demandé l’information. Tout est fait comme si le mot avait été passé de n’accorder aucune interview. Vous avez par exemple le scandale de l’affaire Hilaire Ayissi Mengue, ce jeune homme de 22 ans décédé l’année dernière à l’Hôpital Central de Yaoundé dans des circonstances troubles.

Bien malin à ce jour qui peut vous dire ce qui lui est exactement arrivé, où se trouve le rapport d’enquête administrative commandée par l’autorité tutélaire de la santé au Cameroun et pourquoi 6 mois après il n’a pas été rendu public. Nos demandes d’informations à ce propos comme bien d’autres sont d’ailleurs restées sans réponse. L’accès à l’information est un droit et non une faveur que l’on fait aux journalistes tels que ça se passe en ce moment au pays au ministère de la Santé et ses démembrements. C’est bien dommage.

Il y a une sélection d’une poignée de médias acquis au pouvoir qui a été faite. Celle-là ne diffuse que l’information qui ne dérange pas et arrange les officiels. Les médias critiques ont été exclus de tout accès à l’information sur la santé au Cameroun.

Quel est l’état du secteur de la presse spécialisée dans la santé au Cameroun en 2022 ?

La presse spécialisée au Cameroun, c’est l’avenir. Malheureusement, ce secteur bute encore à de nombreuses difficultés comme l’accès à l’information. C’est un véritable problème. Les financements ne sont pas en reste. Il n’y a pas de financements publics spécifiquement dédiés à ce secteur. Ce qui existe, c’est l’aide publique à la presse à capitaux publics de manière générale et il faut déposer un dossier complet au ministère de la Communication ; attendre par la suite d’être sélectionné ou pas. Parfois, des structures vous sollicitent pour des activités, mais le traitement est tellement dérisoire que parfois vous vous voyez dans l’obligation soit de décliner l’offre, soit de le faire gratuitement. Pourtant, vous avez des coûts, des charges mensuelles bien précises. Donc il y a encore du chemin à faire.

La rédaction.