Tribune par Sofiane OUBELA

“Les États sont des marques.” Cette expression de Richard Attias, publicitaire et homme d’affaires reconnu, démontre à quel point un pays, à l’instar d’une entreprise, doit être en mesure de développer son image et sa réputation dans un environnement complexe et de plus en plus compétitif. Les grandes puissances de ce monde usent de divers répertoires d’actions issus de la communication et des relations publiques pour exercer leur influence à l’international. Le Nation-Branding sert à cet égard, de levier d’attractivité auprès des investisseurs, des grandes entreprises et des touristes étrangers. C’est aussi un ressort privilégié pour offrir aux entreprises nationales des débouchés en dehors de leur frontière. Le Nation Branding est déjà un succès en Afrique puisque plusieurs pays l’ont intégré dans leur développement. Pourtant, il est déjà grand temps pour ces pays d’aller plus loin en réfléchissant à un soft power pérenne afin d’être attractif et influent et ne plus être en marge de l’échiquier international.

Le Nation-Branding, un concept qui fait recette aux quatre coins du continent

Le Nation-branding est effectivement un succès phare des années 1990 notamment en Europe occidentale et en Asie. Sur le continent africain, c’est l’Afrique du Sud qui s’est illustré dans la décennie 2000 où une véritable stratégie de marque-pays a été déployée avec une task force dédiée. L’objectif était de rompre avec l’image négative, associée à l’apartheid, qui lui collait à la peau. En outre, la réussite du modèle sud-africain repose sur une volonté politique, la construction d’une identité, la prise de conscience de ses atouts et la maîtrise de son environnement. Cela lui a permis de définir un positionnement clair et précis mais surtout différenciant. “Alive with Possibility”, “South Africa. Inspiring new ways” ; des slogans qui sont le produit d’une réflexion en accord avec la vision que s’est attribué le gouvernement. Une stratégie relativement efficace avec des résultats probants comme l’organisation de la Coupe du Monde de football en 2010 et l’essor économique qui lui a permis de se hisser parmi les pays émergents aux côtés de la Chine ou de l’Inde. Le Nigeria, porté par son industrie culturelle, a récemment détrôné l’Afrique du Sud du classement Brand Finance, avec une valorisation de sa marque pays évaluée à 203 milliards de dollars US. D’autres pays tels que le Ghana ou l’Égypte ont vu leur valeur doublée. La progression fulgurante de ces États résulte de plusieurs phénomènes combinés, avec la bonne gouvernance pour axe essentiel et fondamental. Le Maroc et le Rwanda sont les deux nations qui se sont particulièrement distinguées ces dernières années grâce notamment à la vision et au leadership de leur dirigeant ainsi qu’une diplomatie économique, mais également sanitaire, performante.  

La nécessité de privilégier une approche par l’influence et le soft power 

Malgré ce tableau prometteur, il ne faut pas se méprendre : le Nation-branding demeure une image, une représentation qui peut-être en décalage avec la réalité. C’est d’ailleurs, à ce moment-là qu’il ne fonctionne plus et peut au contraire desservir les intérêts du pays. Mais alors, pourquoi faut-il dépasser le concept de Nation-Branding ? Les États sont peut-être des marques mais ne sont certainement pas à vendre. Autrement dit, la construction d’une image ne doit pas se faire au détriment de la consolidation de l’identité, de la préservation de la culture et des valeurs du pays. Jessica Ilunga, experte en communication institutionnelle et des marchés africains, préfère parler à ce propos de Nation-Building plutôt que de Nation Branding. Par ailleurs, les États africains doivent mettre en œuvre une véritable diplomatie publique qui aurait pour objectif d’éduquer le reste du monde sur leur histoire, leur patrimoine, les éléments culturels et le formidable esprit entrepreneurial et d’innovation qui traverse depuis plusieurs années le continent. C’est sans aucun doute le meilleur moyen de gagner la confiance, le respect et de susciter l’admiration auprès d’investisseurs, d’entreprises ou de touristes. Il est enfin important de faire appel à des équipes pluridisciplinaires, orientées vers les affaires publiques et la communication d’influence, désignées pour la promotion des intérêts de chaque pays à l’international. 

L’idée est donc non pas simplement de construire une image, qui par définition est fragile et vulnérable, mais de bâtir un véritable soft power capable d’engager les États africains dans la diffusion d’un nouveau récit positif, en accord avec leurs identités, leurs valeurs et leur réalité politique, économique et sociale. On ne cessera de le répéter mais l’Afrique, c’est avant tout cinquante-quatre pays avec une diversité incommensurable de cultures, de langues, de religions, d’ethnies, d’histoires et d’économies. C’est aux organisations régionales et continentales de prendre en charge le plaidoyer du continent. Autant dire que chaque pays doit d’abord exprimer et promouvoir sa singularité pour qu’il puisse faire corps dans un ensemble non pas homogène mais plutôt cohérent où l’on mutualise les forces de tous pour jouir de bénéfices communs durables. 

À propos de Sofiane OUBELA

Spécialiste en communication d’influence et en intelligence économique, Sofiane est co-fondateur et président du cabinet PLVS ULTRA Consulting. Il travaille sur les questions d’influence institutionnelle entre l’Europe et l’Afrique. Il est l’auteur d’une étude sur le soft power chinois en Afrique.