La communication et la gestion de crise : un simple cours…

Nos deux experts s’accordent à dire que la communication et gestion de crise est enseignée dans les universités et grandes écoles comme un simple cours. Elle n’est pas une spécialisation. Pour le Professeur Kacou Goa, cela est certainement dû au fait que cette spécialité « est une discipline un peu récente. Les gens n’ont pas encore compris le sens de la contribution de la communication dans la gestion et la prévention des crises », a-t-il affirmé.

Néanmoins, des organisations du secteur public et privé manifestent l’intérêt de former leur personnel sur la communication et la gestion de la crise. « Je me réjouis d’avoir été à l’époque, retenu par le ministère de la communication de Côte d’Ivoire, pour mettre en place la stratégie de communication de crise dudit ministère. Je suis intervenu aussi auprès d’une dizaine de structures en Côte d’Ivoire pour des formations », se réjouit Desforges Adediha. Il fait par ailleurs le constat selon lequel les organisations qui sollicitent ses services « sont passées par deux ou trois situations de crise pas bien maîtrisées et souhaitent ne plus reproduire ce type d’erreur », explique-t-il.

… pour un public varié aux besoins diverses 

« Tous les publics sont concernés surtout les leaders communautaires. Il faut aussi former la jeunesse à la communication et à la gestion de crise », soutient Professeur Kacou Goa. Pour lui, aucun profil ne devrait être exclu de la formation à la communication et à la gestion de crise. Cela n’empêche pas que l’enseignement de la communication et de la gestion de crise à une cible primordiale constituée des praticiens de la communication dans les organisations et les étudiants en communication.

A ce sujet, Desforges Adediha fait le triste constat que « beaucoup de managers continuent de confondre information et communication. Du coup, on a beaucoup de journalistes qui sont aguerris, qui ont une bonne plume et qui font de la communication. Mais, ils n’ont pas les éléments de base des relations publiques et de la communication en général et essaient de gérer des crises seulement par des relations presses. De ce fait, la question de la formation fondamentale se pose». En plus de ces praticiens n’ayant aucune base de la communication, le cas des actuels étudiants en communication est également critique et concerne les raisons qui les conduisent à vouloir étudier cette discipline. A en croire Desforges Adediha, « on a plus de 70 % de nos étudiants qui viennent en communication par peur des mathématiques. Ils ont le baccalauréat et ne veulent plus avoir affaire aux mathématiques. Donc, ils s’inscrivent en communication. C’est déjà un premier élément. Ensuite le deuxième élément, on se dit qu’on fait de la communication pour faire beaucoup de publicité. Il n’y a pas énormément de réflexion ou de connaissance même du métier avant. Les étudiants tiennent beaucoup plus compte de la partie opérationnelle de la communication que de la partie stratégique qui est l’élaboration ou les réflexions sur la gestion de crise». 

Un avenir aux prises entre optimisme et réalisme

Pour ce qui est de l’avenir de la communication et la gestion de crise, nos deux experts ont des positions partagées. L’universitaire est convaincu que la discipline « va s’étendre ». En revanche, le professionnel estime que la réalité et les mauvaises pratiques qui d’ailleurs selon lui se poursuivent toujours, étreignent son optimisme quant à une meilleure considération de la filière dans les programmes de formation à la fois académique et continue. « Je pourrais être optimiste mais non. Dans les deux espaces que je maîtrise à savoir l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale, je ne vois pas encore la mise en œuvre de l’étape stratégique d’anticipation et de gestion de crise du point de vue de la communication » affirme Desforges Adediha. Pour lui, il suffit d’observer l’attitude des pouvoirs et des organisations africaines face aux crises pour s’en rendre compte. « La vision, c’est qu’on puisse anticiper. Mais ce n’est pas toujours le cas».

À propos des intervenants

Professeur Kacou Goa est Maître de conférences des Universités. Enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan Cocody et spécialiste du Management des Organisations, de la Communication de Crise et de la Communication-Marketing. Il est l’auteur de trois ouvrages : La communication de crise au Port Autonome d’Abidjan (Paru en 2013), « Rendre l’entreprise compétente en Côte d’Ivoire. Quel management ? » (Paru en 2016) et « Communiquer pour être et paraître dans la société de consommation » (Paru en 2018). 

Desforges Adediha est quant à lui Consultant-formateur en communication. Il dirige depuis 2014 l’agence conseil et cabinet de formation Desforges Consulting International. Il est aussi, le Directeur Exécutif de l’International Protocol and Public Relations Board (IPPRB). Desforges Adediha est l’auteur des ouvrages « Multimédia et communication de crise » (Paru en 2013) et « Relations publiques et communication de crise » (Paru en 2019).

Tous deux, interviennent dans plusieurs universités et grandes écoles pour la formation en communication et gestion de crise. Ils livrent leurs analyses quant à la situation actuelle et à venir, de l’enseignement de cette discipline en Afrique francophone.

Emmanuel DABO, Consultant en communication et Enseignant à l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest.