Face à la pandémie du Coronavirus Covid-19, le gouvernement camerounais diffuse un communiqué de presse annonçant ses mesures ce 17 mars 2020. Ces mesures sont mises au point après un mois et demi d’attente. Elles font suite à une communication du ministre de la Santé , Dr Manaouda Malachie difficile à cerner dans un premier temps puis informative au fil des jours. Malgré des tweets, de la réactivité, des apparitions médiatiques et la mise en place d’un numéro vert en cas de contamination par le Covid-19, la communication du ministre sur son compte personnel n’a pas totalement rassuré les Camerounais sur la gestion de la crise sanitaire. Le comptage des nombres de cas Covid-19, l’appel à la vigilance, les informations sur l’évolution de la pandémie dans les pays foyers du Covid-19 et l’entrée dans le territoire camerounais des populations de ces foyers ont créé une situation anxiogène auprès des populations présentes sur les médias socio-numériques et montrer une non-sensibilisation des populations n’ayant pas accès à ces canaux de communication. 

À la suite de ce communiqué de presse qui se veut d’apaiser le doute des Camerounais le temps d’une soirée, l’Etat reconnaît officiellement le Coronavirus comme une pandémie à hauts risques. À l’ère du doute et de l’information fragmentée, notre but dans cet article est d’apporter des angles d’amélioration sur la continuité de la gestion et de la communication de crise des autorités camerounaises à travers différents enjeux.

Enjeu de la communication publique de crise :

La communication publique est un ‘’pacte démocratique” entre les instances publiques (Etat, collectivités locales, entreprises publiques) et les citoyens. En période de crise, ce pacte est menacé et les instances publiques ont pour mission de le maintenir, de le renouer auprès du citoyen à travers une communication publique de crise efficace. 

Dans le cadre de cette crise sanitaire, l’État comme instance publique et le Camerounais, comme citoyen ont un ennemi commun qui est le ‘’coronavirus’”. Dans cette lutte contre le virus, les deux doivent être soudés pour éradiquer leur détracteur commun. Pour que cela se fasse, il faut une réponse aux attentes fortes du citoyen par l’Etat : les mesures concrètes et efficaces du système de santé et la transparence dans l’information.

Suite aux 13 mesures annoncées dans le communiqué de presse du Service du Premier ministre Camerounais, l’Etat doit s’appuyer sur une autre instance publique pour renforcer son message : les collectivités locales, les mairies. Cette crise sanitaire, nous montre que le défi de communication de crise de l’Etat est au-delà des réseaux sociaux (plus précisément de Twitter et Facebook) et du web. Il faut une cohérence et une articulation parfaite entre la communication du gouvernement et les mairies. Cela passera par la mise sur pied de cellules de crise et d’une stratégie de communication sur la crise sanitaire. À travers une veille active et un suivi, ces cellules seront amenées à mettre à jour leurs messages et leurs actions auprès de la population : parents, personnes fragiles, enfants.

Accompagnés par les entreprises publiques, l’Etat et les collectivités mettre en place une communication de vulgarisation à travers différents canaux : affiches, tracts, numéros verts comportant du contenu en français, en anglais et dans les langues locales du Cameroun sur la connaissance du virus, les gestes barrières, les sources fiables d’informations diffusés dans les commerces de proximité, les médias locaux, les panneaux d’affichage. 

La communication publique de crise a pour enjeux de sensibiliser, rassurer et responsabiliser la population face au danger du Covid-19.

Enjeu sanitaire :

La méfiance des camerounais dans le système de santé est réelle et s’intensifie dans des situations d’extrême urgence. Une écoute sociale attentive permet de relever des craintes communes sur les ressources matérielles des hôpitaux et les compétences des personnels soignants. Une bonne communication de crise se doit d’être rassurante et empathique, pour cela sa gestion en amont doit être anticipée et préparée. Qui de mieux qu’un médecin, un professeur en virologie ou un épidémiologiste pour répondre aux préoccupations des Camerounais : “Peut-on être contaminé plusieurs fois par le Covid-19 ?” , “Quels sont les 1ers gestes à adopter lorsqu’on développe les symptômes du Covid-19 ?” “Comment se passe la prise en charge ?” “Les médecins camerounais sont-ils compétents pour faire face à une pandémie sanitaire ?” 

Nous observons des personnels soignants bienveillants qui apportent des éléments de réponses aux questions de leurs abonnés. Ces éléments de réponses ne sont pas suffisantes en temps de crise. Le corps de la santé doit être invité sur les plateaux de télévision, les chaînes de radio, les comptes officiels pour évangéliser sur les bonnes pratiques, éradiquer les idées reçues et faire comprendre à chacun camerounais que le danger est invisible mais bien réelle.  Ils doivent être intégrés dans les éléments de langage à caractère médical des membres du gouvernement pour vulgariser sur les risques du virus, ses mutations. Renvoyer 25 millions de Camerounais sur le site de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) n’est pas un canal de communication suffisant pour cerner l’ampleur et les dégâts des risques encourus.

Autant de questions sans réponses qui donnent lieu à des rumeurs et à des suspicions. Une prise de parole avec du contenu clair et concis sur ce sujet à travers des interventions plateaux, des lives, des tweets sur des comptes préalablement identifiés de médecins permettra de rassurer les citoyens et créer un climat de confiance avec le personnel soignant. Par ailleurs, l’enjeu sanitaire entre le gouvernement, les médecins et les scientifiques fera apparaître une gestion de crise coordonnée avec les professionnels du secteur de la médecine.

Enjeu de communication politique de crise :

Préserver l’image et la réputation fait partie des enjeux de la communication politique en temps de crise. L’absence de réponse ou la réponse tardive des dirigeants est ressentie comme une tentative de négligence, de dissimulation ou une incapacité à gérer la situation par l’opinion publique. 

Pour remédier à cela, l’Etat doit créer et diffuser des messages brefs et rationnels sur les gestes barrières et les mesures de précaution. L’Etat peut donc réutiliser les mesures employées dans le communiqué de presse en messages courts en spots vidéos, en audio, en infographies mêlant textes et images compréhensibles à la fois par les adultes et les enfants. Des pushs SMS en partenariat avec les entreprises de télécommunication sont aussi à envoyer à toutes les familles pour les interpeller sur le Covid-19. Ces contenus doivent être réutilisés dans toutes les entreprises privées du Cameroun en plus des médias traditionnels, des médias sociaux et des espaces publics. De plus, dans ses interventions plateaux, le gouvernement camerounais peut donner des réponses en 3 points :

Exemple : 

Ce que vous maîtrisez : ‘’Actuellement, 10 cas de Covid-19 ont été détecté et sont pris en charge par les personnels soignants dans la ville de Yaoundé…”

Ce qui est en cours : ‘’Nous attendons les rapports des équipes de soignants concernant l’avion qui a atterri mardi 17 mars dans les aéroports de Yaoundé et de Douala en provenance de Paris. Si vous connaissez des personnes présentant des symptômes du Covid-19, encouragez les à contacter le numéro vert 1510 pour les protéger et par la suite vous protéger”

Les prochaines échéances : ‘’Nous reviendrons vers vous demain en fin d’après-midi lorsque nous aurons reçu plus de chiffres suite aux analyses”.

La communication politique est scrutée, décortiquée et analysée d’autant plus en communication de crise. Une bonne gestion de crise est un mélange d’empathie, d’honnêteté, d’expertise et de dévouement. Un bon message est un message bref accentué par la répétition, mère de l’apprentissage. La communication politique de crise doit renforcer le rôle de l’Etat protecteur pour ainsi responsabiliser le citoyen en plaçant aux centres les fondamentaux de la politique : l’intérêt général (lutter contre la pandémie du coronavirus), l’intérêt de chacun (se protéger contre la coronavirus), la protection de tous. La communication politique de crise doit aussi clarifier les mesures annoncées : « Pourquoi fermer les débits de boissons, les restaurants et les lieux de loisirs à 18h ? » « Quel sera l’impact économique et financier de l’annulation des événements ? » . 

La crise sanitaire du Covid-19 fait apparaître l’importance de l’anticipation, de la cartographie des risques en gestion de crise, des messages et des canaux de communication. 

Comment se déroulera la phase de cicatrisation de cette crise pour la population camerounaise ? Quels seront les bilans de communication pour le gouvernement dans l’après-crise ? 

Exemples d’infographies inspirantes :

                                                                                      Par Elodie MBIDA